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Commode à léger ressaut en placage de satiné marqueté en feuilles dans des encadrements à double filet de buis et d’ébène sur des contreforts d’amarante, bronzes ciselés et dorés, plateau de marbre fleur de pêcher, estampille de M. Carlin et poinçon de Jurande, époque Louis XVI, 89,5 x 106 x 45,5 cm. Estimation : 20 000/30 000 euros. Sobriété et raffinement. Les qualificatifs qui viennent à l’esprit en observant cette commode pourraient aussi bien être appliqués à leur auteur, Martin Carlin. Fils d’un charpentier allemand, celui-ci quitte son Fribourg-en-Brisgau natal pour Paris, où l’on trouve sa trace en 1759, année de son mariage avec la jeune soeur de Jean-François Oeben. Carlin travaillait sans doute depuis quelque temps déjà avec le grand ébéniste. Ces liens familiaux lui permettront par ailleurs de fréquenter Roger Vandercruse, dit Lacroix, lui-même beau-frère de Oeben. De quoi mettre le pied à l’étrier. Après l’obtention de sa maîtrise, en 1766, Carlin s’installe à l’enseigne du «Saint-Esprit» ou de «La Colombe», dans un immeuble du faubourg Saint-Antoine. C’est là, dans un intérieur modeste composé de deux pièces à vivre et de trois d’atelier, qu’il mènera une vie calme, contrastant avec sa brillante carrière. Carlin réalisera en effet les meubles les plus précieux pour la famille royale et son entourage. Prescripteurs du goût, les marchands merciers lui passent commande de pièces luxueuses, pour lesquelles ils lui fournissent des matériaux exceptionnels : Darnault lui procure des panneaux de laque, Poirier et Daguerre des plaques de porcelaine. Carlin se fait ainsi connaître pour ses meubles légers et féminins de style Louis XVI. Au sein de sa production, notre commode fait donc figure d’exception – à plus d’un titre. Elle fait partie du petit nombre de pièces de style Transition produites par l’ébéniste, soit quelques bonheur-du-jour et d’encore plus rares commodes. Ces dernières sont généralement ornées de marqueteries géométriques, alors que notre modèle présente un placage de satiné uni, dont la chaleur compense la sobriété. Seuls, un discret encadrement d’amarante, de filets de buis et d’ébène, et les baguettes de bronze feuillagées relèvent l’ensemble avec délicatesse. Cet emploi d’un bois uni se retrouve sur un secrétaire de la collection de Simone Berriau, ainsi que sur une table à écrire portant la marque du château de Bellevue et appartenant à la collection Wrightsman. Notre commode ouvre par trois tiroirs sans traverse et un en ceinture, celui-ci dissimulé derrière une frise d’entrelacs en bronze. Si les quatre boules soulignant le tiroir inférieur sont rapportées, elles reprennent un décor connu sur différents bureaux de Carlin. Grâce à ce meuble, les amateurs apprécieront sans doute de découvrir une autre facette de l’ébéniste. Gazette Drouot n°10 Boulogne-Billancourt, jeudi 18 mars.